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Emmanuel Macron face au besoin d’opposition en démocratie

ÉDITORIAL. Si les mélenchonistes n’auront très probablement pas de majorité, on pourra compter sur eux pour se faire entendre. Tant mieux pour la démocratie, qui ne fonctionne pas longtemps sans une opposition qui pèse vraiment

Jean-Luc Mélenchon à Caen le 8 juin. — © SAMEER AL-DOUMY / AFP
Jean-Luc Mélenchon à Caen le 8 juin. — © SAMEER AL-DOUMY / AFP

Comme pour l’élection présidentielle, les élections législatives se sont animées en toute fin de campagne, quand Emmanuel Macron a commencé à se sentir menacé. Après avoir joué la montre pendant des semaines, en faisant traîner la nomination de son nouveau gouvernement et en anesthésiant le débat pour qu’aucune vague ne puisse naître, le président a été forcé de se réveiller ces derniers jours au vu des derniers sondages, qui mettent sa majorité en danger. Mesures pour le pouvoir d’achat, déclarations chocs sur les dangers d’une politique de gauche radicale, «mission flash» pour sauver les urgences hospitalières, réformes dans l’éducation… le gouvernement ouvre désormais les vannes pour éteindre l’incendie.

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C’est qu’en laissant toute la place à Jean-Luc Mélenchon et à sa Nouvelle Union populaire écologique et sociale, la Macronie a fait la démonstration du besoin d’opposition en démocratie. L’enjeu principal de ces élections est effectivement de voir si, ce dimanche, à l’occasion du premier tour, la nouvelle alliance historique de la gauche réussit à créer une alternative puissante, capable de mettre en danger le monopole macronien qui domine la politique française depuis cinq ans. Si tel est le cas, cet «électrochoc» pourrait lancer une dynamique qui ferait perdre au président sa majorité absolue le 19 juin, le forçant à chercher des alliés et surtout à écouter les reproches qui sont faits à sa politique.

Car, si les mélenchonistes n’auront très probablement pas de majorité, on pourra compter sur eux pour se faire entendre à l’Assemblée et dans le débat public en cas de succès et de survie de leur alliance. Ils seront assez nombreux pour peser et exiger des réponses. Et comme la crise des Gilets jaunes l’a bien montré, la colère est toujours plus utile et plus saine quand elle s’exprime au parlement et pas uniquement dans la rue.

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La démocratie ne fonctionne pas longtemps sans une opposition qui pèse vraiment, une force qu’on est obligé de prendre au sérieux, à laquelle on doit vraiment répondre, y compris par des actes et des mesures. Le pouvoir doit rendre des comptes, il devient meilleur quand il est surveillé, «challengé» comme diraient les startupers chers à Emmanuel Macron. Sans réelle opposition parlementaire et politique, le risque est que le parti au pouvoir aggrave ses travers, s’obstine et aille trop loin. Ou, pire, que les frustrations, il y en a beaucoup en France, n’aient pas d’autre choix que le chaos pour s’exprimer. Jusqu’à la prochaine élection, où le pire serait à craindre…

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