On revient au début

Les relations de la Russie avec les pays de l’ex-URSS

Le président russe, Vladimir Poutine, a lancé jeudi une offensive militaire contre l’Ukraine, après avoir reconnu trois jours plus tôt l’indépendance de provinces séparatistes pro-russes dans l’est du pays. Il a dénoncé la « folie » qu’avait représentée selon lui la « création » en 1991 de l’Ukraine moderne lors de la chute de l’Union soviétique, alors que la Russie revendique encore des liens forts avec les anciens pays de l’URSS.

À l’origine

Créée en 1922, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) s’essouffle au cours des années 1980 : les contestations contre le régime ou l’idéologie communiste sont de plus en plus virulentes. Des manifestations ont lieu en 1987 en Arménie, en Estonie ou encore en Lituanie. En 1989, l’Allemagne de l’Est ouvre le mur de Berlin. Les pays baltes proclament leur indépendance en 1990, puis 10 autres membres de l’URSS en 1991. Mikhaïl Gorbatchev, alors à la tête de l’Union soviétique depuis six ans, démissionne le 25 décembre 1991. C’est la fin de cet État fédéral, qui unifiait 290 millions d’habitants. Mais 11 des 15 membres de l’ancienne URSS choisissent de rester unis au sein de la Communauté des États indépendants [voir la carte], pour tenter de développer une coopération multilatérale. La Russie, où siégeait le Parti communiste et qui comptait le plus grand nombre d’habitants de l’URSS, cherche à maintenir son influence dans la plupart de ces territoires. Cela passe par des relations de dépendance économique, par exemple pour la fourniture d’énergie, ou par des soutiens politiques aux dirigeants locaux.

Les dates clés

  • 1991
    La résistance de la Transnistrie

    Au moment où périclite l’URSS, une grande partie de la population – russophone – de la région de Transnistrie s’inquiète de son sort alors que s’annonce son rattachement à la Moldavie. Elle rejette notamment l’adoption du roumain comme langue officielle par la Moldavie. La Transnistrie proclame son indépendance en 1991 en se baptisant République moldave du Dniestr et demande son rattachement à la Russie. Des forces russes envahissent le territoire en soutien des indépendantistes en 1992 et affrontent l’armée moldave tout juste constituée. Le conflit se solde par un cessez-le-feu. La Transnistrie devient alors une sorte d’État indépendant de fait, avec sa propre Constitution, sa monnaie et un président, mais elle n’est pas reconnue par l’ONU [voir la carte]. La Moldavie continue d’en revendiquer la souveraineté et des forces russes y sont toujours présentes. La population de Transnistrie est passée de 750 000 en 1991 à 475 000 en 2015, selon le dernier recensement, l’émigration étant massive et la natalité en baisse.

  • 2003
    Contestations de l’influence de la Russie

    Des manifestations pro-démocratiques ont lieu dans plusieurs villes de Géorgie en 2003 après des élections contestées. Cette « révolution des roses », nommée ainsi en référence aux fleurs portées par les opposants, aboutit à la démission du président pro-russe Edouard Chevardnadze, à la tête du pays depuis 1992. Un an plus tard, ce sont les Ukrainiens qui dénoncent le trucage de l’élection présidentielle, remportée par le candidat pro-russe Viktor Ianoukovytch. Leur « révolution orange » aboutit à l’annulation du scrutin et à l’élection de Viktor Iouchtchenko, pro-européen. La Russie s’inquiète alors du sort des russophones dans ces deux pays. En 2008, elle intervient militairement face aux forces géorgiennes en Ossétie du Sud et en Abkhazie, deux régions du nord de la Géorgie qui avaient proclamé unilatéralement leur indépendance à la fin de l’URSS [voir la carte]. En 2014, après une nouvelle révolution pro-européenne en Ukraine, la Russie annexe la région de Crimée et apporte son soutien aux provinces indépendantistes de Donetsk et de Lougansk, dans l’est du pays.

  • 2015
    Un renforcement de la coopération économique

    Plusieurs ex-républiques de l’URSS s’unissent en 2015 au sein de l’Union économique eurasiatique (UEE) : l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan et la Russie. L’UEE est une zone de libre-échange et une union douanière. L’objectif est de parvenir à un espace économique commun garantissant la libre circulation des marchandises, des services, des capitaux et du travail, comme dans l’Union européenne. L’UEE remplace la Communauté économique eurasiatique, une organisation de coopération multilatérale en place depuis 2000, elle-même héritière de la Communauté des États indépendants. Les contours flous de ces deux précédents organes avaient essentiellement donné lieu à des accords bilatéraux entre les anciennes républiques soviétiques. L’UEE représente « l’exemple le plus abouti d’intégration économique au sein de l’espace post-soviétique », écrivait l’économiste Julien Vercueil dans une étude publiée en 2017 dans une revue spécialisée.

  • 2022
    Une organisation militaire commune

    Alors que des manifestations contre la hausse des prix des hydrocarbures ont lieu au Kazakhstan, le président du pays déclare début janvier 2022 faire face à « une tentative de coup d’État ». L’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) intervient pour la première fois. Cette alliance militaire regroupe six ex-républiques soviétiques : l’Arménie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, la Russie et le Tadjikistan. Elle a été fondée en 2002, quelques mois après le début de l’intervention menée par les États-Unis et l’Otan, une alliance militaire de 30 pays, en Afghanistan. L’OTSC « est conçue par la Russie comme l’équivalent eurasiatique de l’Otan » et elle « incarne la volonté de Moscou de se présenter comme le garant de la stabilité de l’Eurasie post-soviétique », expliquait dans un article de 2017 David Teurtrie, chercheur à l’Observatoire des États post-soviétiques. La Russie fournit l’essentiel du contingent armé, composé de 17 000 membres. Les forces de l’OTSC se sont retirées fin janvier du Kazakhstan, après y avoir « rétabli l’ordre et la loi », a affirmé Vladimir Poutine.

Le saviez-vous ?
Une enclave russe au milieu de l’UE

Coincée entre la Pologne et la Lituanie, il existe une enclave russe nommée Kaliningrad. Contrôlé alternativement par la Prusse et la Russie au cours de l’histoire, le territoire a été repris par l’Armée rouge à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Situé à plus de 1 000 km de Moscou, la capitale russe, et à moins de 300 km de Varsovie, la capitale polonaise, Kaliningrad fait la taille de l’Île-de-France et compte environ 976 000 habitants. Depuis la fin de l’URSS, cette enclave constitue pour la Russie un avant-poste de défense face aux Européens et un arsenal militaire y est déployé, comme des missiles à longue portée.

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