L’économie de la télévision en France

Les groupes de médias privés français TF1 et M6 ont annoncé lundi être en négociations exclusives afin de fusionner leurs activités. Ce nouvel ensemble permettra « d’apporter une réponse française aux défis des plateformes » numériques mondiales, expliquent-ils. Financée par la redevance audiovisuelle ainsi que par la publicité à partir de 1968, la télévision en France a été détenue et contrôlée par l’État jusqu’en 1982. Les premières chaînes privées ont été créées dans les années 1980 et leur nombre a augmenté considérablement après le lancement de la Télévision numérique terrestre en 2005.


À l’origine

La première émission de télévision française est diffusée en 1935 depuis le ministère des Postes, Télégraphes et Téléphones. À l’époque, on ne compte qu’une centaine de postes de télévision dans tous les foyers français. En 1949, la Radiodiffusion française (RDF), l’établissement chargé de la télévision et de la radio publiques, devient la RTF, la Radiodiffusion-télévision française, qui instaure un monopole d’État sur la télé et la radio française. La redevance, une taxe déjà appliquée aux détenteurs de postes de radio, est alors étendue aux personnes possédant des téléviseurs et sert au financement de la RTF. L’ORTF, l’Office de radiodiffusion-télévision française, remplace la RTF en 1964, année du lancement de la deuxième chaîne de télévision. L’ORTF doit en théorie avoir davantage d’autonomie, car elle n’est plus sous l’autorité directe du ministère de l’Information, mais seulement sous sa tutelle, c’est-à-dire que celui-ci n’exerce qu’un contrôle administratif sur l’ORTF.


Les dates clés

1968

Le 1er octobre 1968, une publicité, pour la marque de fromage Boursin, est pour la première fois diffusée à la télévision. Les débats ont été vifs à l’Assemblée nationale autour de la décision, prise par le gouvernement fin 1967, d’introduire la publicité de marques à l’ORTF. « Les pourfendeurs du projet développent leur réquisitoire, arguant qu’avec la publicité de marques, on va livrer la télévision publique aux “puissances de l’argent” » et « mettre en péril la presse et avec elle la liberté d’expression »,  décrit la sociologue Valérie Sacriste dans la revue Le Temps des médias en 2011. « La publicité constitue un élément puissant de relance de la production », se justifie le Premier ministre Georges Pompidou devant l’Assemblée nationale. La publicité à la télévision va être strictement encadrée par la Régie française de publicité, créée par décret en 1969. D’abord limitée à 2 minutes de diffusion par jour en 1968, la publicité passe à 10 minutes en 1970. La part des recettes publicitaires dans les ressources de l’ORTF est plafonnée à 25 % à partir de 1972, une règle qui restera en vigueur jusqu’à la fin du monopole d’État sur la télévision.

1982

La loi du 29 juillet 1982 acte la fin du monopole d’État sur la télévision. « La communication audiovisuelle est libre », affirme le premier article de ce texte. André Rousselet, ancien directeur de cabinet de François Mitterrand, fonde la première chaîne à péage : Canal+ démarre sa diffusion fin 1984. En mai 1986, le Premier ministre Jacques Chirac annonce devant l’Assemblée nationale sa décision de privatiser TF1. « La création audiovisuelle, chacun le voit aujourd’hui, stagne dramatiquement dans notre pays. L’argent de la redevance est très mal employé. Nous avions le choix entre deux voies : le déclin et le repli sur des structures inadaptées aux techniques modernes de communication ou bien la renaissance et la vitalité au profit du génie même de nos créateurs », justifie-t-il. En septembre 1986, la loi dite Léotard est promulguée. Elle prévoit la déréglementation du secteur. Début 1987, la Commission nationale de la communication et des libertés (CNCL), chargée de réguler l’audiovisuel, désigne le groupe de construction Bouygues comme repreneur de TF1.

2005

La Télévision numérique terrestre (TNT), un système de diffusion numérique fonctionnant grâce à des émetteurs terrestres, est lancée début 2005 en France. Huit nouvelles chaînes sont autorisées à émettre par le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), qui a remplacé en 1989 la CNCL. Le nombre de chaînes accessibles gratuitement passe de cinq à 13. « Logiquement, les chaînes historiques à vocation commerciale se sont dressées contre le projet de télévision numérique terrestre. Elles n’avaient en effet rien à y gagner, sinon une concurrence accrue », explique Rémy Le Champion, professeur à l’Institut français de la presse, dans son livre « La Télévision ». En 2012, la diffusion télévisée bascule complètement sur le numérique et six chaînes supplémentaires sont lancées. 31 chaînes nationales, dont 26 gratuites, sont aujourd’hui disponibles sur la TNT. Les groupes TF1 et M6, qui ont utilisé la TNT pour se diversifier, en détiennent 10 à elles deux.

2009

Une loi de réforme de l’audiovisuel public est promulguée en mars 2009. Elle fait de France Télévisions une société unique et supprime la publicité entre 20h et 6h sur les chaînes publiques. « La télévision publique ne peut pas fonctionner sur des critères purement mercantiles », déclarait en 2008 le président Nicolas Sarkozy pour justifier cette mesure. Le manque à gagner, chiffré à 450 millions d’euros par une commission composée de parlementaires et de professionnels de l’audiovisuel, doit être financé par des taxes sur le chiffre d’affaires publicitaire des chaînes privées et sur le chiffre d’affaires des opérateurs de télécommunications. Mais ces taxes étant insuffisantes, le manque à gagner finit par être surtout financé par une hausse du montant de la redevance, renommée « contribution à l’audiovisuel public », dont le prix augmente de 15 % entre 2009 et 2019. Depuis le début des années 2010, la durée quotidienne d’écoute de la télévision est en recul (à l’exception de l’année 2020 marquée par la pandémie de Covid-19), en particulier chez les jeunes, qui « entretiennent un autre rapport que leurs aînés à la télévision », explique Rémy Le Champion dans « La Télévision ».


À l’étranger

Plusieurs pays assistent à des rapprochements dans le secteur audiovisuel pour faire face à la concurrence des plateformes de streaming comme Netflix et Amazon.

États-Unis. WarnerMedia, filiale du groupe américain de télécommunications AT&T qui détient notamment les chaînes CNN et HBO, va fusionner avec le groupe de médias Discovery, ont annoncé les deux entreprises lundi. « La nouvelle entreprise sera en mesure d’investir dans davantage de contenus originaux », explique leur communiqué conjoint.

Royaume-Uni. Le réseau de télévision privé ITV s’est associé en 2016 à la société publique de radio et de télévision BBC pour lancer la plateforme de streaming Britbox, d’abord disponible en 2017 aux États-Unis, puis au Royaume-Uni en 2019. Il s’agit d’un modèle similaire à celui de la plateforme française Salto, lancée en octobre dernier, à la suite d’un accord entre TF1, M6 et France Télévisions.

Mexique. Le réseau américain de chaînes de télévision hispanophones Univision et le groupe mexicain Televisa ont annoncé mi-avril leur fusion, afin de créer Televisa-Univision, le plus grand groupe de médias en espagnol au monde. Ils ambitionnent de produire et distribuer du contenu pour un marché hispanophone de 600 millions de personnes.