Russie

L’empreinte de Vladimir Poutine

Mise à jour le 3 mars 2022

Depuis 1999, la Russie est dirigée par Vladimir Poutine, qui a occupé alternativement les fonctions de président et de Premier ministre. À ces postes, il a façonné une Russie plus centralisée, avec un exécutif fort et une opposition réduite, et a cherché à restaurer la grandeur du pays en étendant son influence internationale. En février 2022, il a ordonné une offensive militaire contre l’Ukraine, pays voisin qu’il a déclaré vouloir « démilitariser » et « dénazifier ».

Pourquoi ça compte ?

Une espérance de vie plus longue et moins de pauvreté

La Russie compte 146,2 millions d’habitants, selon les chiffres officiels au 1er janvier 2021, qui incluent la population de la Crimée, dont le statut est contesté. Depuis l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine, les conditions de vie de la population se sont largement améliorées, en particulier grâce aux exportations d’hydrocarbures qui constituent la principale source de recettes du budget fédéral. Une augmentation des aides sociales a contribué à l’émergence d’une classe moyenne et à la réduction de la pauvreté, même si les inégalités se sont accrues dans le même temps. Cette évolution a cependant été ralentie par les baisses des cours du pétrole en 2008, puis en 2014. L’espérance de vie au cours des mandats de Vladimir Poutine a largement augmenté, en particulier grâce à une lutte active contre l’alcoolisme.

Une influence militaire et énergétique dans le monde

L’un des objectifs de Vladimir Poutine est de restaurer la grandeur de la période soviétique, en s’appuyant sur l’influence militaire du pays et sur l’exportation d’hydrocarbures. L’État est devenu en 2005 l’actionnaire majoritaire de l’entreprise de production d’énergie Gazprom, qui contrôle l’essentiel de la fourniture de gaz. La Russie conserve des bases militaires dans plusieurs ex-républiques de l’URSS. En 1992, l’année suivant la chute de l’URSS, elle a créé l’Organisation du traité de sécurité collective, qui prévoit une coopération militaire entre ses États membres et la défense de leur intégrité territoriale. Depuis le milieu des années 2010, la Russie s’est engagée militairement auprès du régime de Bachar el-Assad en Syrie. Des mercenaires russes employés par des groupes privés comme le groupe Wagner, sont présents en Libye, en République centrafricaine ou encore au Mali.

Face-à-face avec l’Occident

Depuis son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine a cherché à faire de la Russie un pays fort face à l’Occident. Cet objectif s’est concrétisé par un attachement de plus en plus affirmé à des valeurs conservatrices au cours de la décennie 2010, analyse Clémentine Fauconnier, maîtresse de conférences et spécialiste de la Russie, dans un article publié en 2020 par le site The Conversation. En 2013, Vladimir Poutine a fait adopter une loi « contre la propagande de l’homosexualité ». Il a également limité les soutiens financiers étrangers, en faisant adopter plusieurs lois selon lesquelles les personnes et ONG bénéficiant de tels fonds sont des « agents de l’étranger ». Or de nombreuses associations de défense des droits humains bénéficient de soutiens européens ou américains.

« La Russie de Vladimir Poutine se positionne aujourd’hui comme chef de file d’un conservatisme ayant vocation à préserver la civilisation chrétienne contre les défis d’un monde globalisé, postmoderne et multiculturel »

Tatiana Kastouéva-Jean

directrice du Centre Russie de l’Institut français des relations internationales
juin 2015

Les dates à retenir

Mars 2000
Élection et centralisation du pouvoir

Vladimir Poutine est élu président de la Fédération de Russie en mars 2000. Depuis fin 1999, cet ancien agent du renseignement et directeur du service fédéral de sécurité assurait déjà la présidence par intérim, après la démission pour des raisons de santé de Boris Eltsine. Dès son arrivée au Kremlin, Vladimir Poutine cherche à renforcer la centralisation du pouvoir, alors que la Tchétchénie, dans l’ouest de la Russie, vient de réintégrer la fédération russe à l’issue d’un conflit opposant des séparatistes à l’armée russe. Il divise la Russie en sept districts fédéraux, dont il nomme les représentants, chargés de superviser 85 gouverneurs. En 2004, une réforme supprime l’élection au suffrage direct de ces gouverneurs, avant qu’elle soit restaurée en 2012. Vladimir Poutine renforce également le contrôle de l’État sur l’information, en procédant à des nominations dans les médias publics.

Décembre 2011
Rassemblements d’opposition

Plusieurs centaines de milliers de personnes manifestent en décembre 2011 pour protester contre le souhait de Vladimir Poutine de se présenter à l’élection présidentielle de mars 2012. Il s’agit des plus grands rassemblements contre le pouvoir depuis la chute de l’URSS. Depuis 2008, Vladimir Poutine est Premier ministre, la Constitution l’empêchant d’effectuer plus de deux mandats présidentiels successifs, tandis que son ancien chef de gouvernement, Dmitri Medvedev, occupe la présidence. Malgré cette opposition, Vladimir Poutine est réélu président en mars 2012. Il durcit alors les conditions d’exercice de l’opposition politique et civile. De nouvelles lois punissent plus sévèrement les participants et organisateurs de manifestations non autorisées. Des opposants sont régulièrement arrêtés. Malgré ce contexte, les manifestations se multiplient les années suivantes.

Mars 2014
Annexion de la Crimée

La Russie rattache en mars 2014 la péninsule de Crimée à son territoire, après un référendum organisé localement, mais non reconnu par l’ONU, au cours duquel 98 % des votants se sont prononcés en faveur de l’annexion. Le mois précédent, Vladimir Poutine avait envoyé l’armée russe dans cette région d’Ukraine pour soutenir les séparatistes qui s’y étaient soulevés après la destitution du président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovytch. L’Union européenne ainsi que les États-Unis, qui contestent l’organisation du référendum, imposent des sanctions à la Russie. L’Organisation du traité de l’Atlantique nord (Otan), fondée en 1949 par des pays occidentaux pour faire face à la menace soviétique, suspend sa coopération avec la Russie, établie en 1991 après la chute de l’URSS. Les tensions perdurent entre l’Ukraine et la Russie, qui soutient les territoires de l’est de l’Ukraine contrôlés par des séparatistes. Vladimir Poutine inaugure en 2018 un pont reliant la Russie à la Crimée.

Juillet 2020
Réforme de la Constitution

Les électeurs russes approuvent à 78 % lors d’un référendum début juillet 2020 une réforme de la Constitution adoptée quatre mois plus tôt par le Parlement. Cette réforme « améliore le système politique et les garanties sociales, renforçant la souveraineté, l’intégrité territoriale et, enfin, les valeurs spirituelles, historiques et morales qui lient nos générations », déclare Vladimir Poutine le lendemain des résultats. Cette révision se décline en 46 amendements, soit un tiers de la Constitution. L’un d’entre eux modifie l’article qui interdisait jusqu’ici d’effectuer plus de deux mandats présidentiels consécutifs, en le remplaçant par une limite de deux mandats maximum. Il entraîne une remise à zéro des mandats présidentiels passés ou en cours et permet à Vladimir Poutine, s’il le souhaite, de se présenter aux deux prochaines élections présidentielles.

La majorité des Russes n’a plus du tout confiance dans la propagande officielle et ne pense plus que Poutine soit leur sauveur. Il n’a pas su gérer la pandémie, il ne sait pas redresser l’économie et laisse une grande partie des Russes de plus en plus démunis matériellement.

Marie Mendras

chercheuse au CNRS
février 2021, à Franceinfo

Qui sont les principaux
protagonistes ?

Alexeï Navalny

Militant politique

Alexeï Navalny est un avocat et militant russe qui s’est principalement fait connaître grâce à la publication en 2017 d’une vidéo dénonçant la corruption au sein du pouvoir. Celle-ci a suscité des centaines de manifestations dans tout le pays. En 2018, il a souhaité se porter candidat à l’élection présidentielle, mais il a été déclaré inéligible jusqu’en 2028 en raison d’une précédente condamnation pour détournement de fonds. Arrêté, condamné et incarcéré à plusieurs reprises, Alexeï Navalny a également été victime d’un empoisonnement en août 2020. Il est de nouveau détenu en Russie depuis janvier 2021.

Mikhaïl Khodorkovski

Homme d’affaires

Mikhaïl Khodorkovski est un homme d’affaires russe, ancien vice-ministre du Pétrole et de l’Énergie sous la présidence de Boris Eltsine et ancien dirigeant de la première compagnie pétrolière d’hydrocarbures, Ioukos. Il a été arrêté et emprisonné pour fraude fiscale en 2003. La principale filiale de son groupe a été rachetée l’année suivante lors d’une vente aux enchères par l’entreprise pétrolière publique Rosneft. Il a finalement été gracié par Vladimir Poutine en 2013, puis s’est exilé en Suisse et au Royaume-Uni, d’où il s’emploie à contester le pouvoir du président russe.

Anna Politkovskaïa

Journaliste

Journaliste, Anna Politkovskaïa a beaucoup écrit sur le conflit tchétchène, au cours duquel elle a été emprisonnée plusieurs jours par les forces russes. Elle s’est aussi attachée à décrire des atteintes aux droits humains dans le pays. Menacée de mort à plusieurs reprises, elle a été assassinée en 2006 à Moscou. En 2012, la justice a condamné un ancien lieutenant du service de renseignements FSB pour l’organisation de cet assassinat.

Pour aller plus loin

La fin de l’ère Poutine

Dans une courte vidéo pour l’émission « Le Dessous des cartes » sur Arte, la chercheuse spécialiste de la Russie Tatiana Kastouéva-Jean dresse un état des lieux du pays en 2019. Elle évoque la popularité du président qui s’effrite un peu, mais reste élevée parce qu’il n’y a pas « d’alternative crédible », ou bien le taux de croissance trop faible de la Russie pour qu’elle devienne l’une des plus grandes puissances économiques.

Le monde selon Vladimir Poutine

Alors que Vladimir Poutine a cherché à faire de son pays un interlocuteur incontournable sur le plan international, l’émission de France Culture « Affaires étrangères » aborde les différents aspects de la politique étrangère russe en revenant sur l’annexion de la Crimée, le rôle du pays au Moyen-Orient ou encore ses positions face aux États-Unis et à l’Union européenne.

C’était notre panorama sur la Russie de Vladimir Poutine.

Rédaction

Mathilde Doiezie

Infographie

WeDoData

Design

Upian

Crédits photos

Couverture : Monika Flueckiger / swiss-image.ch / World Economic Forum. Protagonistes : Mikhaïl Khodorkovski, Chatham House / Flickr ; Alexeï Navalny, Evgeny Feldman / Wikimedia Commons ; Anna Politkovskaïa, Blaues Sofa / Wikimedia Commons.

Date de dernière mise à jour

3 mars 2022

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